Retrouvée en flânant sur le net, une interview de Danielle Föllmi donnée en 2007 à la Radio indépendante Son de l’Espoir, consacrée à son parcours et plus particulièrement à sa découverte de l’Asie.
Nous reprenons ici la retranscription de l’interview (16’47) en ligne sur le site de la radio, où l’on peut toujours l’écouter et la podcaster.
3/10/2007 Saturday
Si l’on dit « L’école au bout du fleuve », « Si loin des hommes, si près des Dieux » ou encore « Offrandes, 365 pensées de maîtres bouddhistes », ça vous dit quelque chose ? Ce sont quelques uns des livres écrits par Oliver et Danielle Follmi, des écrivains-photographes voyageurs. Et c’est Danielle que nous avons rencontrée aujourd’hui.
Bonjour.
Follmi c’est un nom qu’on connaît bien. Votre prénom on le connaît peut être moins. Vous êtes Danielle Follmi l’épouse d’Olivier Follmi que l’on connaît en tant que photographe, écrivain sportif de haut niveau. C’est comme ça que vous décririez votre mari ?
Oui, c’est vrai qu’Olivier est photographe, grimpeur ; plutôt il aime la montagne.
J’ai lu sur votre site que quand il parle de vous il dit : » je ne pense pas qu’un photographe réussisse sans qu’une compagne l’épaule et le soutienne, même dans l’ombre ».
Oui, en fait on est marié depuis très longtemps et on a un parcours où mutuellement on s’aide à grandir. Je peux dire la même chose de mon coté, chaque étape, on l’a grandie ensemble.
Vous avez une formation de médecin. Vous exercez encore ?
Non, peut être c’est une continuation de la médecine. J’ai fait une spécialité de médecine tropicale, j’ai travaillé dans des dispensaires et avec Médecins sans Frontières vers les pays chauds : le Laos, le Cambodge. Ensuite, après une expédition avec Olivier où il s’était gelé les pieds, j’ai fait de la médecine d’urgence et de l’anesthésie. Pour des raisons de santé, de mauvaise vue, j’ai arrêté la médecine. Mais quelque part, quand on s’occupe des sagesses, on s’occupe de la santé dans le monde.
Très vite vous étiez allée au Laos et au Cambodge. Ca date de longtemps votre attrait pour l’Asie ?
Oh oui. Mon premier voyage était de Nice jusqu’ en Inde. On a traversé tout le Moyen Orient. Ce fut une découverte pas à pas pour arriver en Asie tranquillement. C’était très riche. Je me considère citoyenne du monde. Je ne reste pas longtemps en France, mon lieu de résidence. Souvent je rejoins Olivier, on fait un bout de route ensemble, on fait des photos, des livres et je reviens.
Que recherchez-vous dans vos voyages ?
Les voyages sont une manière d’aller vers un autre horizon, essayer de partir plus loin pour mieux comprendre le monde dans lequel on est. J’ai toujours le souci d’essayer de rompre les préjugés que l’on a ici et maintenant. On ne se rend pas compte, mais on a plein d’idées qui sont comme des carcans et dès qu’on voyage on voit que ces vérités n’ont plus lieu d’être. Ce qu’on nous apprend comme étant absolu, finalement n’est pas si absolu que ça.
Vous pensez que la petit Danielle qui était en 4L ne reconnaîtrait pas la Danielle de maintenant, dans son évolution ?
On est bien toujours les mêmes et un peu différents chaque fois. Je crois que ce qu’on a en commun, c’est la source que l’on est dès la naissance et dans certaines cultures comme en Afrique, on dit qu’on a choisi notre destin avant même de naître et on le travaille avec ce caractère que l’on a, en choisissant ce qu’on veut. Je crois qu’on peut déterminer sa vie
Vous avez un intérêt particulier pour le Tibet ?
Oui. C’était déjà un mythe au départ il y a très longtemps, le rêve d’aller sur le toit du monde toujours cette envie de s’élever, mais que je ne savais pas encore le spécifier, et peu à peu c’est devenu une quête spirituelle. Mais cette spiritualité, quand même, passe par une réalité. On est d’abord allé dans le nord de l’Inde, dans le petit Tibet. Olivier est allé au Zanskar , nous y sommes retournés, nous avons adopté des enfants tibétains et c’est là que nous avons décidé de nous rendre au Tibet. C’était dans les années 80. J’imagine que beaucoup de choses ont changé. J’ai vu des photos et Lhassa n’est plus le Lhassa de l’époque.
Vous qui avez le Tibet dans le cœur avec vos quatre enfants adoptés, comment voyez vous la place que prend la Chine dans notre monde contemporain ?
C’est une grande et vaste question. La Chine prend une place énorme, ça c’est un constat. La Chine est un grand pays, il y a un milliard d’habitants, mais la place qu’elle prend est une place que l’on voit économique, que l’on voit dans les Jeux Olympiques. Ce qu’on devrait mettre en avant et, ce qui est je crois l’immense force de la Chine, c’est le poids de ses 2500 ans d’ une réflexion avec un germe, avec cette morale sociale, cette grande originalité avec ses trois religions, le bouddhisme qui venait de l’Inde, qui a crée le Shan et c’est ce à quoi on devrait réfléchir, écouter, voir. Finalement le tintamarre du commerce fait beaucoup de bruit et ne correspond pas à une réalité.
Les Jeux Olympiques ?
Toute capitale a envie de faire venir les JO parce que c’est une fierté et c’est commercial, c’est d’un grand attrait. En contrepartie on imagine que quand on va dans un lieu oú il y les JO c’est un lieu que le comité des JO a accepté car c’est un lieu où règne un certain ordre, un certain droit une certaine justice. Et c’est là où je crois qu’il y a tromperie par ce que ce n’est pas en fermant les yeux que l’on va gagner.
Je préfère parler des sagesses en Chine. Elles ont été effacées. On sait que Confucius a eu une période où les chinois l’ont mal aimé, on sait que Mao Tsé Toung a mal utilisé les sagesses pour mieux envahir ou atteindre à la liberté des chinois. Le mot clé, on a posé la question à Confucius à l’époque, en 500 av JC, pour lui demander si toute sa théorie devait se résumer en une phrase en un mot, ce qu’il dirait. Il a répondu : c’est la considération, le respect les uns des autres et aussi, connais-toi toi même. Si on est capable de comprendre toutes ces réflexions et les adapter à soi même, le monde avancera tout doucement.
On voit actuellement que dans nos pays occidentaux, il y a de moins en moins de chrétiens alors qu’en Asie il y a un explosion de chrétiens. Par contre dans nos pays occidentaux de plus en plus de gens s’intéressent au bouddhisme, qu’en pensez-vous ?
Ce sont des raisons différentes, des réponses différentes, en des lieux différents. Le problème de l’occident c’est qu’on a poussé très loin la singularité, l’individualité, la liberté en quelque sorte, et en poussant dans ce domaine, on est arrivé trop loin et on en arrive à la solitude. Ce qui va le mieux nous permettre de retrouver le juste milieu, c’est une réponse qu’on trouve dans le bouddhisme : c’est l’interdépendance et c’est le besoin de comprendre combien tout est lié. Quand on se retrouve en Orient, on a poussé très loin la notion de communauté, de réflexion ensemble à tel point que quelques fois, l’individu en est oublié et dans ce cas là, c’est une réponse de l’occident qui va aider. Je pense à l’Inde, beaucoup d’intouchables quittent cette religion car c’est insupportable de se retrouver intouchable, et ils deviennent chrétiens pour demander un rôle, ce qui est plus acceptable.
Y-a-t-il d’autres pays d’Asie qui vous ont particulièrement touchée ?
Tout pays d’Asie est déjà très touchant pour un occidental. Dans toute culture il y a un message profond à recevoir. Pour moi j’ai commencé à voyager vers l’orient lentement, pas à pas je suis partie plusieurs fois en Inde et c’est dernièrement que je suis allée encore plus loin vers les pays du soleil levant. J’ai découvert le Japon cette année, c’est un pays que je voulais découvrir depuis longtemps. Mais en même temps, je me disais : dans ce modernisme tu vas être déçue En réalité ça a été un émerveillement. Bien sûr il y a un modernisme magique, très esthétique. L’esthétisme est partout, c’est très beau à voir, à vivre, mais ce qui est subtil, c’est la notion d’impermanence qui est dans la trame de la conscience de tout bouddhiste , cette notion va amener à une subtilité, un raffinement de tous les gestes du quotidien qui nous laissent admiratifs.
Vous pouvez nous parler de votre association Hope ?
Hope veut dire espoir. Nous voulions un sigle qui puisse se comprendre en plusieurs langues. Hope c’est l’idée de donner et recevoir. Hope a été créé il y a 10 ans. Nous allions au Zanskar, nous recevions tellement de ces villageois du Zanskar, nous prenions des photos, nous étions reçus chez eux très simplement, c’était courant d’éclater de rire, de faire des blagues. On n’a plus l’habitude d’être aussi simple chez nous en Occident. En revenant avec ces photos, on s’est dit : la personne nous a offert sa beauté, son rayonnement, son regard lumineux ; on avait aussi à’apporter quelque chose de notre occident, un soutien, une aide qui est loin d’être que matérielle, des conseils, des personnes de l’occident qui se rendaient au Zanskar pour aider à soigner, et c’était créer, faire circuler ces gens qui sont brillants, qu’on aurait intérêt à connaître, créer une passerelle, un pont entre le monde de la tradition himalayenne et le monde de l’occident qui est un monde de la technique, de la modernité.
Merci beaucoup Danielle. »
Source : Radio Son de l’Espoir.